Dorure à la feuille

En savoir un peu plus sur le doreur à la feuille ornemaniste

Pour passer du lingot à la feuille d’or, deux questionnements, deux phases :

Comment parvient-on à obtenir une feuille d’or dont l’épaisseur avoisine la longueur d’onde émise par les radiations visibles de la lumière (4 à 8 microns). Si fine que la pression de l’air ambiant la déforme et la plie vers le bas ?

C’est le travail du batteur

Comment parvient-on à fixer sur le bois, le métal et autres matériaux des feuilles d’or si fines?

C’est le travail du doreur

Un métier peu connu …

Le doreur à la feuille-ornemaniste réalise des travaux de dorures sur bois ou tout autre matériau.

Il se doit de posséder un excellent niveau de dessin et une culture approfondie de l’histoire de l’art, en particulier de l’ornement.

Il intervient sur du mobilier, des éléments d’architecture extérieure ou intérieure et exercera

son savoir-faire sur des œuvres du patrimoine, essentiellement en restauration ou sur des créations contemporaines.

… impliquant des techniques éprouvées …

On distingue deux techniques de dorure :

La dorure à l’eau ou à la détrempe est une technique de qualité qui a peu évolué depuis l’Antiquité. Elle se pratique toujours pour les travaux réalisés dans la tradition.

Le bois est d’abord recouvert d’un apprêt (mélange de blanc de Meudon et de colle) appliqué en plusieurs couches.

On procède ensuite à la reparure, c’est-à-dire un travail de gravure sur cet apprêt pour donner plus de nervosité à la sculpture, voire pour créer d’autres détails.

Après cette étape, le doreur applique l’assiette ou bol d’Arménie, une préparation à base de terre argileuse dont la couleur va du jaune au brun, en passant par le rouge. Elle va donner un ton chaud à la dorure.

Un pinceau dit «mouilleux» sert à mouiller à l’eau froide la surface à dorer. La feuille d’or, délicatement présentée avec une palette à dorer (pinceau plat très fin) est comme happée ; elle s’y fixe par aspiration due à la porosité de l’apprêt. Une fois la dorure sèche, le doreur passe une pierre d’agate, c’est l’opération de brunissage. L’or ainsi écrasé révèle son éclat métallique, donnant du relief à l’ornement.

La dorure à l’huile ou à la mixtion est également employée depuis longtemps : un vernis est appliqué sur la surface à dorer et la feuille d’or est directement posée dessus. Ce vernis reste souple et ne permet pas de travailler la feuille d’or à la pierre d’agate. La dorure conserve donc un ton mat.

Moins onéreuse mais également moins sophistiquée, cette technique peut être associée à la dorure à l’eau pour varier les finitions, mates et brunies.

Reprise des apprêts dorure Lavaudieu
Reprise des apprêts
Reparure dorure à la feuille d'or
Reparure
Brunissage des ors Lavaudieu
Brunissage des ors
Raccord d'assiette dorure à la feuille d'or Lavaudieu
Raccord d’assiette

… qui a failli disparaître !

Principalement utilisée en décoration, la dorure sur bois suit de très près l’histoire du mobilier. Les plus anciens exemples de dorure sur bois remontent à l’Egypte.

Les premiers doreurs sur bois furent, sans conteste, des orfèvres damasquineurs ; ils connaissaient l’or battu en feuilles et savaient l’employer en martelant les feuilles sur des sculptures, sarcophages, masques, afin d’imiter l’or massif à moindre coût. Ce métal, ayant la particularité de ne pas s’oxyder, était un symbole d’immortalité et du divin.

Durant les époques romane et gothique, la dorure est consacrée uniquement aux œuvres liturgiques. Des icônes sont peintes sur des panneaux de bois et des retables et autels sont richement dorés et sculptés. À la Renaissance française et jusque sous Louis XIII quelques cadres et éléments de mobiliers sont dorés mais la dorure n’est pas encore utilisée majoritairement.

L’histoire du bois doré commence réellement en France sous Louis XIV, le roi soleil, qui s’en sert pour affirmer sa puissance et montrer la richesse de la France. Les miroirs et les dorures présentes sur les boiseries permettent à la lumière des bougies de se refléter et d’augmenter la luminosité. Suivant le roi, les nobles s’entourent de mobilier doré dans leurs appartements. Le métier de doreur prend dès lors beaucoup d’importance et les techniques de dorure émergent à cette époque.

Sous le style Louis XV, la dorure s’opère entre un jeu de mat et de brunis tandis que sous le style Louis XVI, les sculptures deviennent très fines et la technique de dorure s’adapte : les apprêts de dorure, habituellement faits avec du blanc de Meudon sont désormais faits avec du kaolin et accueillent seulement 3 à 4 couches d’apprêts sur le bois.

Après la Révolution française, la dorure, signe de la monarchie, est mise de côté.

Sous le style Empire, cette technique de la dorure à la mixtion connue depuis plusieurs siècles est remise à la mode. Elle est plus rapide que la dorure à l’eau et moins coûteuse.

Le métier de doreur sur bois sera finalement mis à l’écart avec l’arrivée de la production industrielle de bois doré et les deux guerres mondiales. A noter que dans les années 50, la dorure sur bois retrouve un peu d’attrait. Avec la loi Malraux de 1962, sur les secteurs sauvegardés, les doreurs retrouvent du travail dans la rénovation des œuvres dorées, mais le métier tend à disparaître. Doreur à la feuille ornemaniste : un métier devenu rare mais un savoir-faire qui perdure grâce à quelques passionné(e)s.

Dorure sur bois Lavaudieu
Dorure à la mixtion sur gypserie
Cadre à la feuille d'or
Dorure à la détrempe sur bois – Cadre rond à denticules XIXème siècle
Dorure sur métal Lavaudieu
Dorure à la mixtion sur métal
Artisans dorure a la feuille d'or Lavaudieu
Reproduction de monogrammes